- Fred GITELMAN

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Publié le  9/3/2007 à 14:12

Nom: Gitelman Prénom : Fred





Fred Gitelman

J'y avais pensé, Robert Labouze l'a fait !

Interview de Fred GITELMAN

Sur son excellent site Webridge.

Il y a finalement peu d'interview de Fred en français et la précédente que je connaissais était celle parue en 2002 dans le non moins excellent site de N@ncy Tex@s et réalisée par Gérald Masini.
Nous l'avions alors publiée dans un de nos précédents forums des Gogosbridgeurs.
Je trouve qu'elle a toujours toute sa place dans ce forum "Pour mieux les connaitre", afin de vous faire découvrir ou redécouvrir qui est le génial inventeur de BBO.




Nom: Gitelman Prénom : Fred

Date de naissance : 6/02/1965, à Toronto

Nationalité : canadienne

Profession : développeur de logiciels de bridge et joueur de bridge professionnel

Domicile : Las Vegas, où il a emménagé en mai 2002, après avoir vécu à Toronto jusque là.

Situation familiale : marié à Sheri Winestock, l’une des meilleures joueuses canadiennes, par ailleurs titulaire d’un doctorat en histoire et philosophie de la psychologie. Sans enfant, le couple possède un labrador retriever noir appelé Magic.

Hobbies : golf, tennis, bowling, randonnée,lecture, mathématiques, jonglage.

Classement : Diamond Life Master dans le classement ACBL. Il pense être World Grand Master au classement mondial, sans en être tout à fait sûr. De toute façon, il n’attache pas grande importance aux classements, quels qu’ils soient.

Palmarès : trois médailles d’argent, aux Championnats du Monde Junior 1991, à la Bermuda Bowl 1995 et aux Championnats du Monde Transnationaux par équipes 2000. Une médaille d’or, au Grand Prix du Comité Olympique 2002. Il a également remporté deux championnats nord américains, le National Board-A MatchTeams 1999 et le Reisinger Trophy 2001.

Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes venu au bridge?

Quand j’étais enfant, mes parents jouaient au bridge entre amis, mais je n’ai moi-même pas commencé à jouer avant d’avoir environ dix-sept ans. Des camarades d’école qui savaient jouer eurent un jour besoin d’un quatrième. Ils s’adressèrent à moi parce que j’étais bon en math et en informatique, et je nourris une véritable passion pour ce jeu depuis lors. Brad Moss, de New York, est mon partenaire attitré depuis environ quatre ans. J’aime également jouer avec mon épouse, Sheri, et le canadien Joey Silver.

Quel est votre meilleur souvenir bridgesque ? Et le plus mauvais?

Terminer second de la Bermuda Bowl 1995 fut vraiment un grand moment, car c’était mon premier championnat du monde et, en toute honnêteté, je n’avais nullement conscience que j’étais capable de faire de la compétition à ce niveau. Je suis arrivé aux championnats en espérant vivre une grande expérience, mais je ne m’attendais pas à ce que mon équipe réussisse. Gagner la médaille d’argent fut une très agréable surprise. Mon moment le plus décevant est peut-être ma déplorable prestation avec l’équipe du Canada au cours des Olympiades de Rhodes, en 1996. Après notre succès de 1995, j’espérais bien me battre pour une médaille, mais mon équipe a mal joué et nous ne nous sommes pas qualifiés pour la phase de KO.



Y a-t-il des conventions que vous aimez ou que vous n’aimez pas particulièrement?

D’une manière générale, je pense que la prolifération des conventions a fait énormément de tort au bridge : Quand le joueur moyen en arrive à utiliser des conventions en nombre, le jeu devient plus difficile à apprendre pour les débutants. _ La plupart de ceux qui utilisent des conventions ne les connaissent pas correctement, ce qui occasionne toutes sortes d’incidents détestables nécessitant d’appeler l’arbitre. _ Si le bridge doit jamais être retransmis à la télévision, les enchères devront être simples, sinon le grand public ne s’y intéressera pas. Moi-même, je préfère de beaucoup les systèmes naturels, en partie pour les raisons précédentes, mais aussi parce que je trouve plus amusant de jouer au bridge en utilisant un système naturel avec un minimum de conventions.

Je crois savoir que vous êtes joueur de bridge professionnel ?

Je joue effectivement en professionnel (en étant payé pour cela), mais seulement dans un nombre réduit de tournois chaque année. La plupart des joueurs de profession nord-américains le sont à plein temps et participent à plus d’une vingtaine de tournois par an.



Pouvez-vous nous parler de votre société, Bridge Base Inc.?

Bridge Base Inc. est une entreprise qui développe des logiciels éducatifs et des services internet liés au bridge. La compagnie a été fondée par Sheri et moi-même, en 1990. Nous travaillons à plein temps depuis dix ans à l’écriture de logiciels. Je me charge de la majeure partie de la programmation et des aspects de notre affaire liés au bridge. Sheri s’occupe de la partie commerciale proprement dite. Elle est également responsable des tests, de l’écriture de la documentation et de la mise au format électronique des données fournies par les auteurs. Nous avons développé plus d’une vingtaine de CD-ROM éducatifs, basés pour la plupart sur le travail d’auteurs réputés, comme Mike Lawrence, Eddie Kantar ou Larry Cohen. Notre produit le plus populaire, Bridge Master 2000, a été traduit en une dizaine de langues, dont le français. Vous pouvez en apprendre plus sur notre compagnie en visitant son site web ? www.bridgebase.com. Nous avons aussi développé un service appelé Bridge Base Online qui permet de jouer au bridge et de s’adonner à diverses activités éducatives liées au bridge. C’est 100% gratuit et vous pouvez télécharger le logiciel à partir de Bridgebase.com. Essayez-le ! Il est merveilleux et il y a maintenant de nombreux bridgeurs français qui jouent en ligne sur ce site.

Vous arrive-t-il également de jouer en ligne sur internet ?

Je joue avec Bridge Base Online. Je joue quelquefois avec des amis, mais j’utilise aussi le bridge en ligne pour m’entraîner avec mes partenaires habituels. C’est très pratique car, comme Brad (Moss) vit à New York et moi à Las Vegas, il est difficile de nous réunir pour nous entraîner.

Pensez-vous que l’ordinateur va modifier les habitudes des bridgeurs, voire l’enseignement du bridge et le déroulement des championnats ?

C’est une évidence. Le bridge en ligne va changer la façon de jouer partout dans le monde. Pour ce qui est des championnats internationaux, le seul changement majeur que je vois dans un futur proche est la diffusion en direct sur internet d’un nombre de plus en plus grand d’entre eux. Il faut du temps pour que les organisateurs des tournois majeurs évoluent et je ne pense pas que l’utilisation d’ordinateurs en lieu et place de cartes y soit pour bientôt. Pour l’enseignement, c’est différent. Les logiciels éducatifs sont plus efficaces et plus amusants que les moyens traditionnels d’apprendre le bridge (tels que la lecture d’ouvrages spécialisés). Grâce à eux, l’étudiant en bridge moyen saura mieux jouer. Les enseignants du bridge devront s’adapter aux nouvelles technologies s’ils veulent rester dans la partie.

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour faire un bon joueur de bridge et quelles sont les vôtres ?

La capacité de ne pas perdre sa concentration est le facteur le plus important. Mais il faut également être capable de contrôler ses émotions à la table pour être un joueur efficace (et pour que le partenaire soit en mesure de jouer son meilleur bridge). L’une de mes plus grandes qualités est le fait d’être un excellent partenaire : je ne m’emporte jamais contre mon partenaire et je suis toujours solidaire lorsqu’il prend une mauvaise décision. J’ai également étudié le jeu bien plus sérieusement que la plupart des joueurs de haut niveau. Mon plus grand défaut est mon manque naturel de combativité. Pour gagner, il importe d’avoir envie de gagner. Pendant de nombreuses années, j’ai joué au bridge non dans le but de gagner des tournois mais parce que je pensais que c’était un jeu magnifique. J’ai dû prendre sur moi pour changer, maintenant que j’essaye de participer aux compétitions majeures. Cela ne m’est pas venu naturellement.



La plupart des joueurs français ne connaissent rien au bridge nord-américain. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur la question ?

En Amérique du Nord, tous les tournois sont organisés par la Fédération Américaine de Bridge (ACBL), à laquelle appartiennent également les joueurs du Canada, du Mexique et des Bermudes. Chaque année se déroulent trois tournois désignés comme les Championnats d’Amérique du Nord (North American Bridge Championships, NABC), qui sont de loin les plus importants que l’ACBL organise : Spring NABC, Summer NABC et Fall NABC . Chacun d’eux dure dix jours et comportent de nombreuses épreuves. Ils attirent un grand nombre de joueurs de tous niveaux et de toutes nationalités (puisqu’ils sont open). Je pense que la fréquentation moyenne doit se situer aux alentours de cinq mille personnes. Chaque année également, un tournoi permet de constituer les équipes nationales : US Team Trials pour les Etats-Unis, Canadian National Team Championships pour le Canada. Il existe peut-être une centaine de tournois dits régionaux (regional en anglais), qui sont quelque peu similaires à ceux dans lesquels j’ai joué en France, comme le Festival de Deauville, ainsi que plusieurs centaines de tournois dits catégoriels (sectional). Ce sont les tournois de plus basse catégorie, où le niveau de jeu n’est typiquement pas beaucoup plus fort que celui d’un tournoi d’un club de bridge moyen. Les joueurs gagnent des Master Points aux tournois de l’ACBL. Le système ne fonctionne cependant pas très bien en termes de classification, pour la raison qu’il est facile de gagner des points simplement en participant à un grand nombre de tournois.

Vous avez gagné le Grand Prix du Comité International Olympique à Salt Lake City en février, avec Keith Balcombe, Gordon Campbell, Nicholas Gartaganis, Peter Jones et Joseph Silver.

La Fédération Mondiale a fait du beau travail en organisant ce tournoi. Remporter la victoire m’a donné le grand frisson. Le Canada n’était pas censé se battre pour les premières places et il est toujours plus excitant de gagner quand son équipe est donnée perdante plutôt que favorite !

En demi-finale, vous avez battu la redoutable équipe italienne, qui semblait invincible. Elle avait notamment remporté les éliminatoires avec plus de 30 PV d’avance sur la Norvège, seconde.

Selon moi, c’est actuellement la meilleure équipe du monde. J’admire beaucoup les Italiens, qui sont en plus tous très sympathiques. Je ne donnais pas beaucoup de chances de les battre à mon équipe canadienne. Ce fut un très bon match, avec de nombreuses mains intéressantes. Mon partenaire et moi avons été confrontés à de multiples situations de chelem dans les troisièmes et quatrièmes quarts temps et nous avons pris de meilleures décisions que les Italiens. Mon équipe avait à un moment 50 IMP de retard. Avec le recul, il est difficile d’imaginer qu’elle fut capable de revenir au score avec un tel écart, mais mes coéquipiers n’ont jamais baissé les bras.

Vous avez ensuite battu la Pologne en finale. Ce match a-t-il été plus difficile que le précédent ?

Je ne dirais pas cela. Il a été plus serré sur la fin. Les Polonais, comme les Italiens, sont de grands joueurs de cartes et sont très fittés. Je dois dire qu’ils ont tous fait preuve d’un grand esprit sportif au cours de ces matches. Même si perdre contre le Canada a dû être quelque peu embarrassant pour eux, ils nous ont chaudement félicités après leur défaite, en véritables gentlemen.

Y a-t-il des différences notables de style entre les grands joueurs nord-américains et européens ?
Je ne pense pas. Les habitudes à la carte varient d’un pays à l’autre. Les Français aiment donner le compte, les Italiens basent leur signalisation sur la parité des cartes, les Américains préfèrent l’appel direct. Un grand nombre des meilleures paires américaines utilisent un système d’enchères analogue au système français, mais les Trèfles forts ont également de nombreux adeptes. Les systèmes polonais et suédois utilisés par quelques-unes des meilleures paires européennes n’ont pas encore réellement pris en Amérique, mais cela va changer, à mon avis, car ces systèmes paraissent être à la fois efficaces et difficiles à contrecarrer. Il m’a également semblé que les joueurs européens de haut niveau sont plus jeunes en moyenne que leurs homologues américains.

Quelles sont, à votre avis, les équipes actuellement les plus fortes au niveau mondial ?

L’Italie, la Pologne et les USA. Il y a quelques années, j’aurais ajouté la France mais, pour une raison que j’ignore, les Français n’ont rien fait ces dernières années. L’Indonésie, le Brésil, la Suède, la Norvège, la Bulgarie et la Russie (sans ordre particulier) sont également proches du sommet.

Vous avez gagné le dernier Reisinger Trophy avec les joueurs américains Bjorn, Fallenius, Steve Garner, Brad Moss, Howard Weinstein et Roy Welland. Aux Championnats du Monde de Montréal, vous avez joué avec les mêmes. Est ce votre équipe habituelle ?

Effectivement. C’est malheureusement un appel très controversé qui a décidé de la victoire dans le Reisinger et qui a fait gagner mon équipe à la place des Italiens. Je pense qu’il ne devrait pas y avoir de possibilité d’appel au bridge, pour deux raisons. D’une part, lorsque la victoire dans une épreuve majeure est déterminée à la suite d’un appel, il en résulte toujours beaucoup de rancoeurs. D’autre part, en Amérique, les commissions d’appel ont tendance à ne pas faire preuve d’une grande efficacité et je crois que les décisions des arbitres sont tout aussi bonnes à la longue. Normalement, j’aurais dû être très excité à l’idée de gagner le Reisinger, mais l’appel a tout gâché. Pendant tout le temps de la réunion de la commission, je me disais : ce qu’ils décident est complètement aléatoire et peu m’importe de finir premier ou second. à Montréal, nous n’avons pas passé les éliminatoires. Ce fut une grosse déception, mais le fait est que nous avons très mal joué !

Est-ce pour vous le début d’une nouvelle carrière de joueur professionnel aux USA ?

Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une nouvelle carrière. Mon activité principale reste le logiciel. Comme je l’ai souligné pour commencer, je ne joue en professionnel que dans les tournois majeurs, contrairement à la plupart des autres joueurs professionnels. Mon objectif est d’essayer de représenter les USA au cours des futurs championnats du monde. Mais ce ne sera pas facile, car les équipes très fortes sont nombreuses dans le pays.

Les efforts de la Fédération Mondiale pour faire du bridge un sport olympique n’ont pas abouti. Pensez-vous que cela aurait été profitable au bridge ?

J’ai longtemps pensé qu’il n’y avait aucune chance que le bridge entre aux Jeux Olympiques, mais je ne peux réellement pas reprocher à la fédération d’avoir essayé car cela aurait sans doute été bon pour le bridge si elle avait réussi. ? mon avis, les logiciels éducatifs et l’internet représentent nos meilleures espoirs pour attirer plus de jeunes vers le bridge. Mettre le bridge et les logiciels de bridge dans le système scolaire de divers pays serait une très bonne chose. J’espère que l’intérêt de Bill Gates pour le bridge aidera à rendre le jeu plus populaire. Bill est un ami et nous jouons souvent ensemble. Il aime vraiment le bridge et il est l’une des rares personnes au monde à avoir les moyens de contribuer à rendre l’avenir de notre jeu plus radieux.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose avant de finir?

J’aimerais dire que j’ai joué en France plusieurs fois et que j’ai chaque fois pris plaisir à mes visites. J’ai toujours admiré les joueurs français de haut niveau pour leurs systèmes naturels si performants. Merci de votre intérêt pour moi et mon travail.

Merci d’avoir si aimablement accepté de répondre à ces questions. Bonne chance pour la suite de votre carrière.



(reproduit avec l'aimable autorisation de Gérald Masini qui a recueilli et traduit ces propos le 16.09.2002 pour l'excellent N@NCY TEX@S (journal du club de Nancy-Jarville)

N@NCY TEX@S n° 34 et Gérald Masini 2002


Sa fiche à la Fédération Mondiale




Photos de Fred

60 Seconds With Fred Gitelman



                                                        
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